Le 20/03/2023 - 942 vues
Par Jean Rimbaud avec Julie Kaci
Nous avons été à la rencontre de Benjamin Saint-Huile, député de la 3ème circonscription du Nord, la Sambre Avesnois et le Sud Avesnois. Le député membre du groupe LIOT, celui même qui portait la motion de censure qui est passée de peu à renverser le gouvernement, y voit un certain nombre de confirmations.
La motion qui avait le plus de chance est portée par ce groupe auquel vous appartenez ; rejetée à neufs petites voix près, quel est votre sentiment vous qui avait été au cœur de cette actualité politique ?
« D’abord ça confirme un certain nombre de choses : le gouvernement n’avait pas de majorité sur le texte des retraites et le groupe auquel j’appartiens est un groupe qui permet la convergence des oppositions qui finalement peut être utile au pays. Il manque 9 voix : vous choisirez entre la déception de ne pas voir le gouvernement tomber ce soir (même si de mon point de vue il est affaibli) ou de considérer que c’est déjà un tour de force que d’être si proche de la ligne fatidique des 287 voix. Je considère qu’aujourd’hui le signal est clair, le président de la République doit l’entendre, il doit intervenir et considérer que cette réforme a fragilisée le pays, qu’il faut la retirer, changer de gouvernement et de méthode ».
Qu’est-ce que vous ressentiez des habitants de la Sambre Avesnois qui vous ont élu ? Vous avez eu de leur côté le sentiment d’une loi injuste ? Ils apprécient votre soutien à la Motion de censure ?
« Oui, je crois que les gens qui vivent chez nous attendent du député qu’il porte leurs voix à l’Assemblée nationale. Quand je suis allé à leur contact, dans les manifestations par exemple, j’ai bien senti une forme de colère et d’incompréhension quant à cette réforme qui fait peser sur les travailleurs les efforts demandés par le gouvernement. C’une réforme qui s’apparente plus à une réforme des finances publiques qu’à une réforme des retraites. En venant ici à Pairs, j’ai conscience que je porte aussi cette voix-là, celle d’un territoire fragile qui attend beaucoup de la République et parfois qui veut manifester une incompréhension. »
Que retenez-vous des dissonances au sein de certains groupes, et même chez vous qui portez la Motion de censure ?
« Chez Liot c’est relativement simple ; on est un groupe qui se base sur la liberté de vote, on a souhaité déposer cette motion nous étions 15, finalement sur les 20 députés, 18 ont voté la motion de censure alors que nous sommes des modérés et ça dit quelque chose de l’état du pays, du divorce intellectuel avec la manière de faire du gouvernement Borne. Et puis, 18 sur 20 je crois que les Républicains en rêveraient, ça fait longtemps que les pratiques chez LR sont questionnées entre ce que dit Ciotti et ce que dit Monsieur Marleix et ce que font ces députés, on voit une forme de fracture, ils ne savent plus bien où ils habitent. Il y a ceux qui rêvent de rentrer au gouvernement sans vraiment le dire ni l’assumer et il y a ceux qui mesurent bien la colère et qui considèrent qu’il faut changer de méthode. Je veux saluer le courage de ceux-là. »
Aujourd’hui est-ce que les habitants de la Sambre Avesnois sont résignés vis-à-vis de cette loi ? Ou veulent-ils encore se battre ? Comment vous positionnez vous vis-à-vis du fait que la loi va être promulguée ?
« Je pense que si le président de la République fait preuve de responsabilité il ne le fera pas. J’encourage chacun, chez nous et partout en France, à continuer la mobilisation pacifique. Il y a eu beaucoup de mobilisations avec beaucoup de monde, dans un calme tout à fait remarquable, avec l’intersyndicale qui a tenu, il faut continuer à le faire. La colère n’est pas la réponse, cela viendrait affaiblir le mouvement. Si nous sommes ensemble et que nous continuons à dire notre désapprobation quant à cette réforme, elle finira par tomber. »
Le combat continu pour vous ? Ou ça va s’arrêter là ? Que pensez-vous du Référendum d'initiative partagé ?
« C’est une hypothèse comme une autre. Cette initiative je l’ai accompagné puisque je l’ai moi-même signé en tant que parlementaire mais j’espère que nous n’aurons pas besoin d’aller jusqu’au RIP. Nous avons quelques mois devant nous avant que la réforme ne rentre en vigueur. Je souhaite que le président prenne acte : il a été élu au second tour avec un électeur sur deux qui ne l’a pas choisi lui mais qui a simplement choisi contre Marine Lepen. Il faut qu’il comprenne que nous ne pouvons pas accepter la proposition sur les retraites. Il n’a pas eu de majorité à l’Assemblée nationale, ça veut dire encore une fois que le désaccord est profond. On peut s’attendre à ce qu’une forme de dialogue s’installe, comme nous le faisons à l’échelle locale depuis toujours. J’ai été élu pendant 14 ans, on cherche toujours les voix de consensus, ça demande de faire un pas vers l’autre. Emmanuel Macron ne prend plus que ses idées, qui sont minoritaires en France, il doit retrouver le chemin du dialogue et complétement changer de méthode pour que nous puissions travailler collectivement dans l’intérêt général. »
S’il y avait eu dissolution de l’Assemblée nationale, vous étiez prêt à repartir sur les chemins de la circonscription pour repartir en bataille ? Peut-être que vous ne l’avez pas quitté ?
« Je suis sur le terrain depuis toujours. J’essaie d’être extrêmement présent aux manifestations, le week-end, au contact des gens dans les permanences pour essayer d’entendre la réalité du terrain, prendre le pouls de la population et aussi parce que je souhaitais envoyer un signal clair à nos habitants : vous avez un député qui vous représente, vous pouvez l’interpeller. Je me souviens du Sud Avesnois qui se considérait éloigné des centres de gravité, j’ai fait en sorte d’aller à la rencontre des élus et des habitants pour montrer que je suis avec eux et qu’ils ont un portevoix à Paris. »
Comment pensez-vous que l’Assemblée va être après cet épisode ? Sera-t-elle encore plus fragilisée pour le gouvernement et le président de la République ?
« Je pense que l’Assemblée est renforcée et que le gouvernement est définitivement affaibli. On ne peut pas rester en responsabilité lorsque sur un vote de motion de censure, tous les groupes d’opposition apportent un certain nombre de voix à cette demande de censure. Au-delà de ça, on le voit bien, le gouvernement a dit partout qu’il n’y aura pas de 49 :3. Le jour du vote ils ont changé de stratégie pour une raison simple : ils n’avaient pas de majorité. En démocratie, quand on n’a pas de majorité, on se retire et on créer les conditions d’un dialogue nouveau. »